Le F-35 touché par les restrictions commerciales sur les matériaux critiques

Le F-35 est un chasseur à réaction développé par Lockheed Martin. Il est utilisé par plusieurs pays alliés des États-Unis. Cet avion fait partie d’un vaste programme militaire qui représente un coût important. Le Pentagone a investi plus de 400 milliards de dollars pour sa production. Le coût d’exploitation sur toute la durée de vie dépasse 1 700 milliards de dollars. Le F-35 est souvent désigné comme l’un des équipements les plus chers jamais conçus. Ce coût élevé s’explique en partie par la complexité du système, la technologie embarquée, et la chaîne d’approvisionnement mondiale.

Plus de 1 000 F-35 ont déjà été livrés. Ils servent dans plusieurs versions : A pour l’armée de l’air, B pour les Marines, les manœuvres aériennes les plus impressionantes des avions de chasse et C pour la marine. Chaque exemplaire coûte entre 80 et 100 millions de dollars selon la version et les équipements. Ce prix ne comprend pas les pièces détachées, les heures de maintenance ni l’entraînement des pilotes. Le coût total de possession par avion est bien plus élevé.

Le F-35 repose sur une production internationale. Plusieurs composants viennent de fournisseurs situés hors des États-Unis. Le Royaume-Uni, les Pays-Bas, l’Italie, la Turquie et d’autres pays ont participé à la conception et à la fabrication. La Turquie a été exclue du programme en 2019, mais continue d’apparaître dans certaines chaînes de production à travers des sous-traitants. Des éléments clés, comme certaines pièces en titane, viennent encore de pays comme la Chine.

L’administration américaine envisage actuellement d’imposer de nouveaux droits de douane sur certaines importations. Ces mesures pourraient toucher des composants utilisés dans l’aéronautique de défense. Cela concerne notamment les alliages, les pièces électroniques et certains matériaux rares. Si ces taxes sont appliquées, le prix du F-35 pourrait augmenter de manière significative. Les contrats d’exportation en seraient également affectés. Les pays clients pourraient devoir assumer une partie de ces hausses.

Les États-Unis dominent les exportations mondiales d’armes. En 2023, selon l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm, ils représentaient environ 42 % des exportations globales. Le F-35 est au cœur de cette position. Il est acheté par de nombreux alliés : Royaume-Uni, Japon, Corée du Sud, Australie, Norvège, Danemark, et récemment l’Allemagne et la Finlande. Ces commandes sont souvent liées à des accords stratégiques et à des transferts de technologie. Elles incluent aussi des obligations de maintenance sur le long terme.

La chaîne logistique du F-35 est donc sensible aux tensions commerciales. Le moindre changement dans la politique douanière peut avoir des effets immédiats sur les coûts. Lockheed Martin a déjà indiqué que certains matériaux deviennent plus coûteux à produire ou à acheter. Les retards d’approvisionnement affectent la cadence de livraison. En 2023, l’entreprise a livré 98 appareils, contre 141 en 2022. Ces baisses sont en partie dues à des difficultés d’approvisionnement et à des changements dans les systèmes électroniques.

Les coûts de maintenance augmentent également. En 2024, un rapport du Government Accountability Office a souligné que le coût à l’heure de vol d’un F-35A restait supérieur à 36 000 dollars. L’objectif fixé par le Pentagone est de le ramener à 25 000 dollars. Ce seuil semble difficile à atteindre, en particulier si les droits de douane renchérissent les pièces détachées. Certains pays clients, comme le Canada, ont revu à la baisse leur commande initiale. D’autres cherchent des compensations en termes de transferts industriels.

La complexité du programme rend difficile toute réduction de coût à court terme. Chaque changement dans le processus de production doit être validé par plusieurs instances militaires et industrielles. Les sous-traitants sont nombreux, souvent spécialisés, et difficiles à remplacer. Cela limite les marges de manœuvre pour contourner les hausses de prix liées à la fiscalité douanière.

Le programme F-35 repose sur une logique industrielle intégrée. Toute perturbation dans un pays fournisseur peut ralentir l’ensemble du processus. La hausse du coût unitaire serait ainsi répercutée sur les futures tranches de production. Cela pourrait aussi ralentir certains projets de modernisation ou de livraison à l’export. Le F-35 est conçu pour être utilisé pendant plusieurs décennies. Mais son coût d’utilisation pourrait encore augmenter, surtout si les tensions commerciales persistent.

Les risques d’une dépendance prolongée

L’Europe dépend fortement des avions de chasse américains depuis des décennies. Cette situation s’explique par des choix historiques, industriels et politiques. Après la Seconde Guerre mondiale, les pays européens ont reconstruit leurs forces armées avec l’aide des États-Unis. Le plan Marshall a facilité l’accès à des équipements américains. Les avions comme le F-86 Sabre ont équipé plusieurs armées de l’air en Europe. L’OTAN, créée en 1949, a renforcé cette dynamique. Les États-Unis ont poussé pour une standardisation des matériels. Cela incluait les avions de chasse. Les pays membres ont souvent opté pour des modèles américains. Cela garantissait une compatibilité avec les forces de Washington.
Les industries européennes ont eu du mal à suivre. La guerre avait affaibli leurs capacités. Les États-Unis, eux, avaient une avance technologique. Des avions comme le F-4 Phantom ou le F-16 Falcon sont devenus des références. Les Européens les ont adoptés en grand nombre. La France a résisté davantage. Elle a développé ses propres chasseurs, comme le Mirage. Mais même elle a parfois acheté américain. D’autres pays, comme l’Allemagne ou l’Italie, ont moins investi dans des programmes autonomes. Ils ont préféré importer. Cela coûtait moins cher à court terme. Cela évitait aussi des doublons dans l’Alliance atlantique.
Aujourd’hui, cette dépendance reste visible. Le F-35 Lightning II domine les commandes européennes. Des pays comme le Royaume-Uni, l’Italie ou les Pays-Bas en ont acquis. Ce choix s’explique par ses capacités furtives et ses systèmes avancés. Les États-Unis encouragent son adoption via des partenariats. Les industriels européens participent à sa production. Cela crée des emplois localement. Mais cela lie aussi les armées à Lockheed Martin, son fabricant. Les coûts d’entretien et les mises à jour dépendent des décisions américaines. Les données sensibles passent souvent par des serveurs aux États-Unis. Cela pose des questions de souveraineté.
Des alternatives existent en Europe. Le Rafale français équipe plusieurs forces aériennes. L’Eurofighter Typhoon, conçu par un consortium, est utilisé par l’Allemagne, l’Espagne et d’autres. Ces avions sont performants. Ils répondent aux besoins de défense. Pourtant, leur adoption reste limitée hors de leurs pays d’origine. Les coûts de développement sont élevés. Les budgets militaires européens sont fragmentés. Chaque pays décide seul de ses priorités. Cela complique les projets communs. Le SCAF, un futur avion franco-germano-espagnol, progresse lentement. Les désaccords sur les spécifications et le financement freinent son avancement.
Les États-Unis profitent de cette situation. Leurs avions dominent le marché. Ils offrent des packages complets : formation, maintenance, armement. Les Européens ont du mal à rivaliser sur ce plan. Acheter américain simplifie la logistique. Cela renforce aussi les liens avec Washington. Mais cela a un prix. Les armées européennes dépendent des cycles de production américains. Si Washington ralentit ou stoppe une livraison, les capacités opérationnelles en souffrent. Les pièces détachées viennent souvent des États-Unis. Les délais peuvent s’allonger en cas de crise. Cette dépendance limite l’autonomie stratégique de l’Europe.
La guerre en Ukraine a mis cette question en lumière. Plusieurs pays ont accéléré leurs achats de F-35. La Pologne, par exemple, annuaire des avions de chasse a commandé 32 exemplaires en 2020. La menace russe a poussé à des décisions rapides. Les avions américains étaient disponibles immédiatement. Les alternatives européennes demandaient plus de temps. Cela montre une réalité : la réactivité prime parfois sur l’indépendance. Les États-Unis ont su capitaliser là-dessus. Leur industrie aéronautique est rodée pour répondre vite.
Pourtant, certains critiquent cette tendance. Des voix appellent à plus de souveraineté. Elles pointent les risques d’une dépendance prolongée. Si les relations avec Washington se tendent, l’Europe pourrait se retrouver vulnérable. Les sanctions ou les restrictions d’exportation sont des leviers possibles. Les données du F-35, par exemple, sont partiellement contrôlées par les Américains. Cela inquiète des experts en cybersécurité. Ils redoutent une perte de contrôle sur des systèmes clés.
Des efforts émergent pour changer la donne. La coopération industrielle s’intensifie. Le programme Tempest, porté par le Royaume-Uni avec l’Italie et la Suède, vise un nouvel avion de chasse. Le SCAF, malgré ses lenteurs, avance aussi. Ces projets demandent du temps et de l’argent. Ils nécessitent une volonté politique forte. Les Européens doivent aligner leurs priorités. Sans cela, les États-Unis garderont leur avance. Les armées continueront d’acheter américain par commodité.
La dépendance n’est pas totale. L’Europe a des compétences aéronautiques solides. Dassault, Airbus ou BAE Systems produisent des technologies de pointe. Mais ces forces sont dispersées. Les rivalités nationales freinent les synergies. Pendant ce temps, les États-Unis maintiennent leur influence. Leurs avions restent une solution clé en main. Les Européens oscillent entre pragmatisme et ambition. La balance penche encore vers Washington. Cette dynamique pourrait durer des années.